Eden médiéval, le Château du Colombier

Sur la Route des Seigneurs du Rouergue, aux portes de Rodez, s’élève le Château du Colombier. Son jardin médiéval, classé Jardin Remarquable de France, offre une promenade ensoleillée et parfumée qui évoque le paradis terrestre.

Berceau familial des Comtes de La Panouse, le Château médiéval du Colombier dévoile dix siècles d’histoire. C’est à la famille de Salles que le Comte de Rodez donne au 14e siècle l’autorisation de construire ce château-fort à Salles-la-Source, sur le site d’une ancienne bâtisse romane qui datait de l’an mille. Un siècle plus tard, Marguerite de Salles, héritière du Colombier, épouse Almaric de La Panouse, faisant ainsi rentrer le château dans cette famille qui le possède encore aujourd’hui. Le donjon est certainement la partie la plus ancienne du château qui possède encore ses meurtrières d’origine, son colombier, ses caves et de vastes salles seigneuriales. Paul de La Panouse représente la 30ème génération familiale propriétaire du Colombier. Dans les années 80, il décide avec son épouse Annabelle de restaurer le château et de faire revivre son domaine endormi depuis la Révolution. Le jardin d’Eden médiéval reconstruit obtint le label d’Etat ‘Jardin remarquable’. En concevant un projet ouvert au public illustrant l’art de vivre seigneurial à la fin du Moyen-Age, il nous invite dans un jardin aux multiples facettes. En plein coeur de la campagne, le domaine propose une promenade à la découverte d’un bestiaire vivant peuplé d’ours, roi des animaux jusqu’au 17e siècle, de loups, de singes, de lions, de cervidés et de rapaces.

Jardin courtois, de fleurs et d’épices
A l’abri des regards au pied du château, le jardin médiéval vous ouvre ses portes pour un voyage à travers le temps. Suite à une recherche iconographique approfondie dans des livres, des tableaux, des tapisseries et des enluminures, Annabelle de La panouse et le paysagiste Alain Richert ont retrouvé les éléments architecturaux et botaniques authentiques. Le jardin clos de murs se présentait comme un jardin secret articulé autour d’un arbre central ou près d’une fontaine, symbole de savoir, d’interdit, de grâce et d’amours illicites. En Aveyron, les murs construits en pierres sèches sont traditionnellement couronnés de pierres rondes appelées ‘clouques’, un vieux mot occitan pour la poule couveuse qui décrit bien ces pierres taillées, posées en haut des murs afin de les protéger des infiltrations. La dénivellation naturelle du site se prête à la perfection à une division en cinq compartiments illustrant les divers usages d’un jardin du Moyen-Age: Jardin des Curiosités, Tapis de Mille Fleurs, Jardin des Références avec les plantes médicinales, Verger et Jeux. D’autres jardins traduisent l’histoire de l’art paysager à travers les siècles. Le labyrinthe d’amour courtois, une pergola de glycines et des allées de pruniers, magnolias et mûriers entourent le château. La roseraie et la rocaille fleurie s’ouvrent sur le paysage, alternant couleurs et floraisons au fil des saisons.

Au plaisir des sens
Le jardin médiéval du Colombier rassemble 350 plantes, arbres et arbustes cultivés en Europe entre l’an 800 et 1450. Au Moyen Age, les hommes se contentaient d’une disposition des plantes qui leur semblait agréable, sans aucun effet de perspective, concept qui n’apparaît qu’à la Renaissance. A l’exception du verger et de la vigne, plantés en pleine terre, les plantations étaient faites dans des bacs surélevés, construits en fascines d’osier, en bois ou en pierre. Certains bacs étaient coussinés d’herbes parfumées, thym, serpolet, asperule… et servaient alors de banquettes pour s’asseoir et ‘conter fleurette’. Le jardin le plus simple était le pré fleuri avec ses violettes, pervenches, primevères, coquelicots et marguerites. Tapis aux effluves délicieuses, on y dansait, jouait aux échecs et au croquet. On y racontait également des histoires, contes et légendes ou écoutait le chant des troubadours. Dans la roseraie fleurit la rose de Damas, la Rosa mundi aux rayures blanches et roses, la Rosa rubiginosa et Rosa gallica ‘Versicolor’ aux rayures rouges et blanches, symbole de la fin de la ‘Guerre des Deux Roses’ entre les maisons de York et Lancaster en Angleterre. Les roses se mêlent aux iris, aux lis, aux grandes hampes des acanthes, nigelles bleues de Damas, nielles du blé aux teintes pâles d’aquarelles striées de fins traits d’encre de Chine, physalis aux lanternes rouges, stachys et lychnis chalcedonica écarlates dits ‘Croix de Jérusalem’.

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La légende raconte qu’elles ont été ramenées des Croisades par le roi Saint Louis. Ailleurs, les saxifrages et les hautes roses trémières aux fleurs noires simples ou roses pâle ébouriffées se dressent dans un charmant désordre.

Le jardin nourrissier

 

Au Jardin des Références, les herbes culinaires et médicinales sont à la fête avec leurs mille fleurs et parfums. Origan, ail aux ours, sarriette, hysope, aneth fenouil, scabieuse, lin vivace, lamier, menthe poivrée, centaurée bleue et achillée jaune, verveine, thym, serpolet à l’odeur de citron, grande consoude, saponaire, mélisse, santoline, lavande et sauge sclarée ont été choisis en se référant aux listes des plantes citées dans le Capitulaire de Charlemagne et les écrits de l’abbesse Hildegarde von Bingen.

Plus loin dans le verger, les fleurs de grenadier font éclore leurs calices écarlates. Les branches de pommier, cognassier, prunier et poirier ploient sous le poids de leurs fruits. Les Croisades sont à l’origine de plusieurs introductions d’espèces de fruits et de fleurs. Les abbayes, les grands seigneurs et les rois font des essais de greffes entre les variétés et les espèces. Les grands mariages sont souvent l’occasion d’échange de variétés et d’espèces entre pays et régions, voire même de la création d’un jardin pour accueillir la mariée comme celui créé pour l’arrivée d’Aliénor d’Aquitaine en Angleterre. La possession d’un jardin n’est toutefois pas le seul apanage des châtelains et de quelques privilégiés mais bien un bonheur à la portée de presque tous. Bourgeois, artisans, moines et paysans jardinent, chacun dans ses possibilités, cherchant à recréer son idée de l’Eden.

 

  1. Château du Colombier, Mondalazac, 12330 Salles-la-Source, Aveyron, France. Ouvert  du 6 avril au 31 octobre. Entrée 27 euro, enfants de 3 à 10 ans 17 euro. Pour profiter pleinement du site, du château, du jardin et du parc animalier, prévoyez au moins 4 heures de visite. www.chateau-du-colombier.fr.
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