Le verger du paradis à Petit-Enghien
Qui n’a, un jour, rêvé devant de magnifiques palmettes de pommiers et de poiriers couverts de beaux fruits appétissants et sagement alignées contre le mur d’un vieux potager? Pour découvrir le monde des formes fruitières palissées, rendez-vous chez Olivier et Alexandra Debaisieux à Petit-Enghien.
Au commencement, il y eu un certain Julien Chotard, viticulteur à Sancerre que le phylloxera obligea à se reconvertir. C’est à Vitry-sur-Seine qu’il s’initie à la technique du palissage des arbres fruitiers. En 1911, il s’installe en Belgique et développe à Gosselies cette forme très particulière d’horticulture. A cette époque, la culture des fruits n’était pas seulement le fait des châteaux et des grands domaines, mais passionnait des amateurs, propriétaires terriens, notables et négociants qui entretenaient de vastes collections. Ses fils Paul et André font leurs études à Vilvorde et poursuivent l’activité familiale jusqu’à leur retraite, en 1996. Mais qui va leur succéder et perpétuer la tradition des arbres fruitiers palissés? Et pourquoi pas ce jeune ingénieur horticole qui est venu faire un stage chez eux. Pendant deux ans, Olivier Debaisieux s’est notamment attelé à l’archivage de leur technique et de leur incroyable savoir-faire. Il en a le vertige. Soutenu par son épouse Alexandra, il propose de relever le défi en poursuivant la culture des formes palissées dans le respect absolu de la tradition et d’assurer ainsi la relève.
Cordon, espalier ou palmette
Les arbres du verger cultivés en demi-tige ou haute-tige occupent une bonne partie du jardin. Les arbres fruitiers palissés sont par contre beaucoup mieux adaptés à nos petits jardins. Ils permettent de garnir un mur, de compartimenter un jardin de façon élégante ou de composer des haies fruitières le long d’un sentier. Le palissage, procédé dont l’origine remonte au moins au 16e siècle, consiste à guider les branches d’un arbre sur des fils de fer ou des lattes de bois. Les branches peuvent notamment être conduites à la verticale, à l’horizontale ou en oblique. Parmi les formes horizontales, on retrouve les cordons simples ou doubles. Chaque branche charpentière est palissée le long d’un fil tendu à l’horizontale. L’espalier oblique convient pour les murs ou séparations peu élevées. La principale difficulté de cette forme est de maintenir l’équilibre entre les branches charpentières. Dans les formes verticales, il y a la forme en U simple composée de 2 branches charpentières verticales qui s’élèvent de part et d’autre du tronc. La palmette Verrier est composée de 4 branches charpentières verticales. C’est la forme la plus élégante. On parle de culture en espalier si les arbres sont plantés contre un mur, celui-ci ayant l’avantage de réfracter la chaleur en créant un micro-climat. La culture est en contre-espalier lorsque les arbres sont disposés en clôture le long de fils tendus à l’horizontale, sans l’appui d’un mur.
L’importance du porte-greffe
Tous les arbres fruitiers cultivés dans la pépinière sont greffés. Le choix du porte-greffe est déterminant car c’est lui qui va donner la vigueur à l’arbre. On choisit un porte greffe de faible vigueur pour les arbres basse-tige et les fruitiers palissés. L’arbre va porter des fruits plus rapidement et donner des fruits plus gros. Le fruitier haute tige va vivre plus longtemps mais il est plus long à donner des fruits. Ceux-ci sont plus petits mais ils se conservent mieux. Le porte-greffe pour un poirier basse-tige et en espalier, c’est le cognassier. Il se pratique par écussonnage. Il faut avoir deux jours de soleil pour avoir une bonne soudure et cicatrisation de la greffe. Il faut ensuite deux ans pour obtenir une greffe réussie et s’assurer de la bonne croissance de la variété greffée. Alexandra et Olivier ont sélectionné des variétés anciennes mais aussi de grands classiques, en fonction du goût, astringent, croquant, fondant… Ce sont principalement les pommiers et les poiriers que l’on palisse avec une symétrie parfaite et une longévité particulièrement importante pour les poiriers. On peut aussi palisser «à la diable» les pêchers et «en roue de paon» les cerisiers. Pour le travail de formation, en plus du résultat de la greffe, il faut encore compter une année par étage, autrement dit par niveau de branches palissées. La symétrie impose une distance de 30cm entre chaque branche charpentière, ce qui exige un travail manuel d’une extrême rigueur quelle que soit la forme donnée.
A fond la forme
La culture des arbres fruitiers palissés présente de nombreux avantages. Elle offre un meilleur ensoleillement ce qui produit des fruits plus gros et plus savoureux. Les tailles permettent une meilleure aération des branches charpentières ce qui limite les attaques de maladies cryptogamiques, tavelure, chancre, oïdium. Pour obtenir des plantes saines et productives, Olivier et Alexandra attachent beaucoup d’importance à la qualité de la terre qu’ils font régulièrement analyser. Au plus la terre est bonne et au moins on a de maladies. L’idéal est une bonne terre agricole. Si le terrain est sableux ou avec du schiste, il faut l’amender avec un mélange de terreau, de fumier et de compost ce qui va donner un substrat onctueux et très riche. Le compost, mélange de broyat de branches et de fumier, peut être mis en surface. Ce sont les vers de terre qui font l’aller et retour pour digérer le compost et enrichir le sol. Comme piège à insecte, rien ne vaut le petit pot en plastique ou en terre cuite renversé garni de paille où vient se nicher le perce-oreille. Celui-ci dévore les pucerons et les psylles pendant la nuit. Et pour lutter contre les herbes indésirables, il suffit de biner au pied des arbres.
C’est de novembre à fin mars que les arbres fruitiers sont vendus, toujours à racines nues. Dans la pépinière, les fruitiers en alignement sont binés dix fois par an pour développer un chevelu de racines abondant ce qui permet une bonne reprise à la transplantation. En général, les amateurs viennent dans la pépinière au début de l’automne pour voir les fruitiers en place et avoir des conseils sur le choix des plantes et la préparation de leur future plantation. Puis ils reviennent prendre les arbres pendant l’hiver. La pépinière organise aussi chaque année en mars des cours de taille pour les particuliers. Une occasion de plus pour Olivier et Alexandra de partager leur passion.