L’impact des changements climatiques sur les oiseaux démontré scientifiquement

Une étude vient de paraître dans la prestigieuse revue « Science ». Elle se base sur des milliers d’observations menées en Europe et aux Etats-Unis. Et elle démontre clairement l’impact des changements climatiques sur les populations d’oiseaux communs. En Wallonie, les données de Natagora – cosignataire de l’article – ont été utilisées.

Rougegorge_familier_JeanMarieWinantsLa recherche a été conduite grâce à une vaste collaboration internationale, dirigée par une équipe de l’Université de Durham (Grande-Bretagne), en collaboration avec la RSPB et United States Geological Survey (USGS). Aves, le pôle ornithologique de Natagora, a été associée puisque les observations wallonnes sont directement utilisées dans l’analyse. C’est une reconnaissance importante pour les dizaines d’ornithologues qui participent à la surveillance de la biodiversité.

Première étude transatlantique d’une telle ampleur
Il s’agit de la première véritable démonstration que le changement climatique influence de manière forte et à grande échelle l’abondance des oiseaux communs. Malgré les grandes différences en composition de l’avifaune entre les deux côtés de l’Atlantique, le pattern observé est similaire en Europe et aux USA, ce qui renforce les conclusions. Parmi les espèces concernées, on trouve des espèces communes des campagnes et des forêts comme la sittelle torchepot en Europe et le merle migrateur aux USA.

Tout d’abord, les auteurs ont classé a priori les espèces d’oiseaux en deux groupes : les oiseaux qui bénéficieraient des changements climatiques, et les oiseaux qui en seraient négativement affectés. Pour ce faire, ils ont associé la répartition connue de chaque espèce à des descripteurs du climat (température moyenne, pluviosité…) et ils ont ensuite regardé comment ces descripteurs avaient évolué ces trente dernières années. En fonction de l’évolution du climat observée dans différentes parties des aires de répartition des oiseaux, les espèces sont classées dans un groupe « à susceptibilité positive » ou un « à susceptibilité négative ». Ainsi, le rougegorge, espèce commune de nos jardins, est prédit, d’après ces premières analyses, comme allant souffrir des changements climatiques dans nos régions (France, Belgique, Pays-Bas) mais au contraire comme allant en bénéficier plus au nord, en Norvège, Finlande, Suède.

Sittelle_torchepot_RobertHendrick

Certains oiseaux sont impactés positivement, d’autres négativement
Ensuite, les auteurs ont regardé comment évoluaient réellement les espèces considérées. C’est ici qu’ils ont utilisé les tendances des populations calculées grâce aux programmes de suivis menés partout en Europe et aux USA, tels que la « Surveillance des Oiseaux Communs en Wallonie », développée par Aves et la Région Wallonne depuis 1990 avec l’aide de dizaines d’ornithologues volontaires. Utilisant les données de 145 espèces européennes et 380 américaines, les tendances des populations ont été comparées entre les groupes à susceptibilité positive et négative. Résultats : il existe une forte différence d’évolution entre la moyenne des tendances entre les deux groupes, avec une bien meilleure performance des espèces prédites comme allant bénéficier des changements du climat. Les résultats observés ces 30 dernières années sont donc bien conformes aux prévisions faites avec l’hypothèse que les changements climatiques affectent les populations d’oiseaux.

Ainsi, les oiseaux méridionaux comme le guêpier d’Europe, ont augmenté ces dernières années, alors que des espèces comme la mésange boréale ou le pinson du Nord déclinent. Le troglodyte mignon, oiseau familier de nos forêts, augmente dans le nord de l’Europe où les hivers sont plus doux, alors qu’il décline dans le sud où les étés sont plus chauds et plus secs.

D’autres facteurs, comme la taille des oiseaux, leurs habitats et leurs habitudes migratoires, agissent sur les populations, mais ne diffèrent pas systématiquement entre les deux groupes « positifs » ou « négatifs ». Les différences observées entre les deux groupes ne sont donc finalement explicables que par le facteur « changements climatiques ».

L’étude va permettre de jauger les politiques climatiques
Les deux auteurs principaux de l’étude, le Dr Stephen Willis et le Dr Philip Stephens, de l’Université de Durham, concluent que les résultats montrent une réponse similaire entre les deux continents, à grande échelle. L’étude va permettre aux acteurs de la conservation de la nature de suivre la réponse des oiseaux aux changements climatiques. Cet indicateur va notamment permettre d’évaluer l’impact des politiques mises en place pour contrecarrer le phénomène.

Le Dr Stephens dit : « S’il n’y avait pas d’impact des changements climatiques, vous vous attendriez à ce que la tendance moyenne entre les deux groupes soit la même. Or, ce n’est pas le cas ». Le Dr Willis ajoute : « Ces découvertes représentent un nouvel indicateur d’impact du changement climatique sur la biodiversité. La même approche pourrait être appliquée à d’autres groupes comme les papillons ou les libellules. Ces résultats nous aident aussi à comprendre en quoi le changement climatique affecte la biodiversité, en parallèle aux autres facteurs importants comme la perte d’habitats ou l’intensification de l’agriculture ».

En Belgique, 67 oiseaux sur 80 analysés impactés négativement !Tarier_patre_ReneDumoulin
Tout ce travail repose sur des données biologiques récoltées patiemment pendant des dizaines d’années par des milliers de volontaires. En Wallonie, le Département d’Etudes des Milieux Naturels et Agricoles de la Région wallonne (DEMNA) soutient Aves, pôle ornithologique de Natagora, qui récolte ces données depuis 1990.

Jean-Yves Paquet, responsable du Département Études de Natagora et co-auteur de l’article déclare : « En Belgique, d’après cette analyse, sur 80 espèces nicheuses communes, 67 sont prédites comme impactées négativement par les changements climatiques et seulement 10 sont prédites comme allant évoluer positivement. Dans l’ensemble, les prévisions se vérifient. Des espèces comme la grive litorne ou le moineau friquet régressent réellement comme s’ils s’accordaient au nouveau climat qui se met en place, de même que des passereaux à tendance méridionale comme le tarier pâtre se portent de mieux en mieux. Cependant, l’étude permet, par contraste, d’identifier que d’autres facteurs sont également en action, comme pour le grimpereau des bois, qui devrait régresser et qui au contraire se porte bien, ou le serin cini, en diminution catastrophique alors qu’on s’attendait à l’inverse il y a encore 20 ans d’ici. »

 


Source: Natagora

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