Passion partagée entre un père et son fils
Chez Jean et son fils Antoine, il est indéniable que le jardinage fait partie des gênes dominants. Ils auraient pu vivre en Angleterre, terre bénie des jardiniers, et faire partie du cercle restreint des gentlemen gardeners. Férus de botanique, ils le sont. L’un a initié l’autre.
Ensemble, ils ont planté des collections. Sans verser dans la collectionnite aigüe. Juste guidés par une certaine esthétique. Aux confins de la forêt de Soignes, à cheval sur deux vallées, leurs jardins voisinent. Ensemble, ils jettent leur dévolu sur les hêtres, les érables, les Ginkgo biloba et, depuis peu, sur les azalées gantoises, dites Harde Gentse. Un petit clin d’oeil à leur passé familial et à la fin du XIXe siècle, âge d’or de ces fameuses azalées et du domaine qu’ils occupent.
Depuis plus de 25 ans, Jean et Chantal réhabilitent un parc romantique. Ils empruntent son ambiance poétique et théâtrale au célèbre Stourhead, un des premiers jardins paysagers du Wiltshire. Ils dégagent des perspectives, dévoilent l’étang, positionnent quelques arbres et plantent le tableau de divers décors pittoresques. Les éléments d’époque sont restaurés, d’autres sont ajoutés. La promenade est surprenante. Cascade, grotte, pavillon au bord de l’eau, kiosque à musique, étrange débarcadère, colonne et escaliers qui ne vont nulle part. Au détour du chemin, un monstre fantastique semble sortir tout droit du bois sacré de Bomarzo dans le Latium. Cette oeuvre contemporaine est signée par l’architecte-grottaiolo Gabriel Pirlet aidé par la rocailleuse mozaïste Françoise Lombaers.
Dans le parc, la nature est laissée en liberté surveillée. Les herbes dites «mauvaises» côtoient les plantes rares. Seuls les chardons, ronces et quelques semis naturels d’arbres un rien expansionnistes sont éliminés.
Juste à côté, autour d’une ancienne ferme, l’ambiance du jardin d’Antoine et Donatienne est totalement différente. Pour eux, le premier impératif est de structurer le lieu et d’adoucir la pente de l’ancienne cour. Il y a 10 ans déjà, ils aménagent terrasses et niveaux et ordonnent l’ensemble autour d’un sunken garden, littéralement «jardin en contrebas». Dans la plus pure tradition britannique. Sans doute une réminiscence de Great Dixter, le célèbre domaine de Christopher Lloyd dans le Kent. Plus loin, un ancien potager fait la liaison avec le parc paternel. Il abrite des groupes d’arbustes et de rosiers entourés de clôtures de châtaignier. Les moutons y vivent librement de septembre à mars. Ils entretiennent la parcelle en grignotant toutes les branches débordantes des clôtures. Dès le printemps, une prairie fleurie prend le relais.
Chineurs invétérés, ils fouinent inlassablement chez les démolisseurs à la recherche de vieux ornements. Avec un brin de nostalgie, ils réinterprètent à leur manière l’éclectisme du style néogothique de la fin du XIXe siècle. Et non contents de leur offrir une nouvelle vie, ils créent avec talent et élégance escaliers et pavillons, fontaines et pergolas. Disséminés au gré des différents espaces et magnifiés par les végétaux, ils ont tous une histoire.
Sous la houlette d’Antoine, les projets foisonnent: un pavillon végétal, un bassin tout en longueur, un jardin de l’échiquier et une profusion de cornouillers. Mais tout est question de patience… La vertu du jardinier.